La Banque à pitons

Réseau d'échange de services à Lévis

 

Présentation préparée par

Stéphane Baudelot, Marie-Éve Vigneault et Kathleen Baldwin

Hiver 2015



Présentation de l'organisme

Situé à Lévis, l’organisme la « Banque à pitons » a été mise en place afin de venir exploiter les talents, les intérêts, les connaissances et les compétences des citoyenEs de la ville en intégrant le tout dans un système d’échange de services. Ayant pour mission de « Favoriser des échanges de services entre les personnes de la communauté dans le but d’améliorer leurs conditions de vie et de développer des liens d’entraide, d’égalité et de confiance. » (La Banque à pitons, s.d), l’organisme décrit sa raison d’existence et, par conséquent, sa visée, comme suit :

 

Nous souhaitons un système où les personnes peuvent répondre de manière autonome à leurs besoins, où chacun trouve sa place tout en contribuant au mieux-être des autres et où un réseau de solidarité émergera.  Par la mise en action de cette alternative, nous espérons présenter une autre façon de s’organiser qui sera plus inclusive et solidaire tout en stimulant la conscience critique des personnes par rapport aux enjeux sociaux et environnementaux. La Banque à pitons, c’est aussi une nouvelle manière de percevoir son voisin, de réaliser l’échange économique et de vivre ensemble. (La Banque à pitons, s.d.)

Par cet énoncé l’organisme a identifié des objectifs individuels et collectifs (La Banque à pitons, s.d.). Sur le plan individuel, la Banque à pitons vise à : 1) Améliorer les conditions et la qualité de vie de tous; 2) Favoriser l’épanouissement des personnes, de leurs forces, de leurs compétences et de leur confiance et, 3) Créer des liens entre les personne. Sur le plan collectif, l’organisme souhaite : 1) Construire une société plus juste et plus humaine où tous ont leur place; 2) Développer un espace permettant la création de liens et de sens collectif; 3) Proposer un espace permettant à tous de s’impliquer dans la communauté; 4) Favoriser des échanges respectant les humains et l’environnement tout en développant une alternative à l’économie de marché par le partage des richesses et, 5) Contribuer à la stimulation de la conscience critique des personnes par rapport aux enjeux de société.

 

En tenant compte des objectifs énumérés, il est certain que ce système va l’encontre du modèle économique néolibéral, dans le sens que ce n’est pas un service en échange d’un bien monétaire. Nous pouvons donc noter que la mission, la visée et les objectifs s’inscrivent dans la mouvance altermondialiste de par l’alternative à l’économie de marché qui est préconisée.


Fonctionnement

 

Comme le démontre la capsule précédente, l’objectif est de servir la collectivité sans faire appel à l’aspect monétaire, mais plutôt en permettant les échanges de services contre du temps accumulé. À titre exemple, faire une heure de peinture crédite à la personne rendant le service une heure dans sa banque de temps. Avec ce temps cumulé, la personne peut bénéficier à son tour d’un service disponible dans la liste des services offerts. Cependant, le but n’étant pas l’accumulation de temps, une limite est imposée à ce niveau afin de prévenir les abus.

 

Avec une telle façon de faire la Banque à pitons favorise les liens entre les personnes et non les biens qui peuvent être obtenus. Tous les services disponibles sont considérés comme égaux, et il y a bien sûr place à l’apprentissage afin d’acquérir de nouvelles compétences et augmenter les connaissances. Il y a aussi présence de diversité afin que la Banque à pitons n’offre pas seulement le même type de services. De plus, plusieurs formes d’échange de services sont possibles, soit entre deux membres individuels, entre un membre individuel et un collectif de membres individuels, entre un individu et un membre associatif ou entre deux membres associatifs.

Services offerts

Des sessions d’information sont disponibles à tous les mois afin de présenter le projet aux personnes intéressées. Toute personne habitant la ville est invitée à participer en payant une cotisation de départ au coût de 5 $ qui est le seul frais à débourser. Par la suite, la personne doit s’ouvrir un compte de membre sur le site Internet et finalement elle doit respecter les règles déjà établies, les valeurs ainsi que les codes de conduite, notamment au niveau de l’éthique.

Plusieurs événements organisés par la Banque à pitons ont eu lieu, et d’autres sont à venir, comme la Grande Donnerie organisée en janvier, mai et novembre 2014. Cela consiste à donner des objets qui ne servent plus, sans principe d’échange, mais plutôt en don, aux personnes qui en ont besoin. Des journées et soirées avec thème sont également organisées, comme des soirées de jeux de société ou des journées plein air en hiver afin de solliciter la participation des membres et en recruter de nouveaux.

 

Les valeurs

Plusieurs valeurs sont prônées et sont importantes pour les membres de la Banque à pitons ainsi que pour les employés y travaillant. Parmi ces valeurs, on retrouve bien certainement la confiance, car les utilisateurs de services doivent être indulgents et confiants envers l’autre personne qui lui offre le service. Ils doivent aussi laisser place à l’erreur. De ce fait, la solidarité est tout aussi importante dans cet organisme. Cela est important dans le sens que l’organisation prône la coopération, l’entraide ainsi que la compréhension face aux échanges possibles. Le respect et la démocratie sont aussi primordiaux afin que le tout se passe dans un climat favorable et que s’il y a un conflit, que la résolution soit faite de la meilleure façon possible. Finalement, il y a aussi la justice sociale. Chacun doit être indulgent et démontrer de la compréhension, tout en ne laissant pas place à l’intimidation, à la discrimination au dénigrement ou au harcèlement. C’est pour cette raison que des règlements de base sont instaurés et qu’ils doivent être respectés. 

Tout compte fait, l’organisation de la Banque à pitons est un modèle exemplaire à suivre pour les régions où ce genre de système n’est pas instauré, et ce, afin de donner une chance égale à toute personne d'avoir recours à des services par l'utilisation de leurs talents, compétences et expérience. D’ailleurs, en mars 2014, la Banque à pitons a été finaliste dans la catégorie « Le distinctif » aux Pléiades de la Chambre de commerce de Lévis (Chambre de commerce de Lévis, 2015), ce qui est un grand accomplissement pour l’organisme, mais surtout, démontre que l’organisme apporte une réponse originale aux problèmes sociaux rencontrés dans la région.


Lien entre la Banque à pitons et le mouvement altermondialiste

La Banque à pitons est bien plus qu’un simple réseau d’échange de services entre personnes d’une collectivité, c’est une entreprise d’économie sociale qui se positionne à contre-courant de l’idéologie néolibérale et de la mondialisation. Son réseau de citoyenEs et d’organismes propose entraide et solidarité à la communauté en privilégiant le partage de savoir et de compétence. Chacun est appelé à participer à un système économique alternatif qui se situe à l’opposé du modèle dominant actuel. L’argent est évacué de toute transaction afin de faire place à une mesure commune qui est le temps. Chacune de ces transactions a la même valeur symbolique sans distinction pour la compétence proposée. Certaines notions comme le profit, l’accumulation de bien, la compétition et la concurrence sont absentes de ce système économique.

 

L’individu n’est donc plus considéré en termes de rentabilité mais bien comme quelqu’un qui est capable de participer au bien être de sa communauté tout en s’épanouissant personnellement. La Banque à pitons permet ainsi à des citoyenEs de prendre en main leurs besoins personnels de façon autonome, sans qu’il soit question de leur capacité à payer pour différents services. Comme nous vivons dans une société de consommation, le pouvoir d’achat est souvent considéré comme un facteur déterminant pour départager qui fera partie ou non de nos collectivités. En s’engageant dans cette démarche, les gens troquent le statut de bénéficiaire pour celui de participant, cette différenciation renforce le sentiment de citoyenneté. Du même coup, leur sentiment d’appartenance est développé parce qu’ils sont capables de participer à l’amélioration de leur collectivité et qu’ils sont considérés comme partie prenante du vivre ensemble.

Ce changement de paradigme permet à des personnes d’une même communauté de tisser des liens de solidarité alors qu’auparavant cela n’était pas envisageable. C’est aussi un lieu de rassemblement exempt de hiérarchie qui favorise le savoir commun au dépend d’un seul. Les gens sont invités à participer à la vie démocratique du collectif, développant ainsi le sentiment de liberté personnelle et du pouvoir d’agir sur la communauté. Ainsi, ce qui est révolutionnaire dans le concept de la Banque à pitons, c’est le fait qu’au lieu d’être une hiérarchie économique telle qu’on la connaît dans les systèmes existants, laquelle origine de grosses entreprises et de banques asservissant des citoyens consommateurs, elle part de la personne elle-même dans un schéma circulaire et démocratique. En lui proposant plus que des biens et services, soit en l’impliquant dans sa structure même, elle propose un espace de citoyenneté qui déconstruit complètement l’économie de marché.

La mondialisation exacerbe l’interdépendance des économies des pays à une échelle planétaire. Ce faisant, elle amène le niveau de concurrence à une intensité qui sacrifie l’humanité : diminution de salaires, pertes d’emploi, conditions de travail pitoyables, perte du sentiment d’être reconnu dans ses compétences, et bien d’autres facteurs encore. Tous ces aspects remettent en question la pérennité de ce modèle économique. En mettant le profit financier au-dessus des autres considérations, la mondialisation ne peut que ruiner l’écologie de notre planète de par, entre autres, l’exploitation sauvage des ressources, la production de biens inutiles voués à la seule fin de consommation, la marchandisation de l’eau et les énergies fossiles.

 

Dans ce sens, les courants altermondialistes font contrepoids politique en plus d’économique en ramenant le respect de l’environnement, de la démocratie et de la lutte aux inégalités. La Banque à pitons est donc aussi une forme de reprise de pouvoir sur leur vie et leur communauté pour les personnes qui s’y impliquent et pour le milieu dans lequel elle prend place.



Les Systèmes d’échange local (SEL) :

Une solution de rechange au système capitaliste

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, nos moyens de production industrielle ont augmenté de façon exponentielle, modifiant nos systèmes économiques et nos modes de vie. Nous sommes passés d’un système économique à petite échelle à un système économique mondialisé qui nous a amené à changer nos habitudes de consommation. Ce changement a apporté le pillage de nos ressources naturelles, l’inflation, des crises économiques, l’augmentation du taux de chômage, la pauvreté ainsi que l’exacerbation du processus d’exclusion sociale. Les grandes entreprises se sont lancées dans une course effrénée aux profits qui est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Ce changement fait abstraction de toute logique humaniste, la monnaie est devenue notre nouvelle idole et nous lui vouons un culte sans borne.

Durant la crise économique du début des années 80, sur l’île de Vancouver une première initiative d’échange de services voit le jour. On parle alors de LETS pour Local Exchange Trading System (Blanc, 2010). Les résultats de cette démarche sont mitigés pour toutes sortes de raisons et le manque d’expérience semble en être la principale (Blanc, 2010). La formule est reprise un peu partout dans le monde et porte fruit à bien des égards.

 

Au Québec, ce genre d’initiative a formellement pris forme depuis un peu plus de 25 ans sous diverses appellations, tel que Banque d'Échanges Communautaires (BEC), Service d’Échange Local (SEL) ou Jardin d'Echange Universel (JEU) (Blanc, 2010). Selon certaines formules, le but est de troquer un service contre un autre, ou même contre un bien. Pour la plupart, le temps devient la principale monnaie d’échange faisant en sorte qu’une solidarité s’installe entre les participants et que les gens redécouvrent un sentiment d’appartenance à leur communauté.

 

La Banque à pitons quant à elle s’inscrit dans la formule « Service échange local » bien qu’elle se définit sous l’appellation « réseau d’échange de service ».


Les SEL, une réponse altermondialiste s’inscrivant dans l’économie solidaire

L’économie solidaire s’inscrit dans le mouvement altermondialiste pour une autre mondialisation depuis le 2e Forum Mondial Social (FMS) tenu en 2002. Parmi les alternatives qui ont vu le jour, les SEL ont particulièrement été efficaces en Amérique latine pour aider des gens vivant dans la misère ou ayant été dépouillés de leur terre à la suite de la crise financière des années 2000 (Neamtan, 2002). Toutefois, malgré le fait que les SEL constituent une forme alternative à l’économie de marché, on ne peut affirmer qu’il se retrouve dans la catégorie de l’économie solidaire ou sociale au même titre que les mutuelles, les coopératives ou les autres entreprises d’économie sociale. D’ailleurs, peu s’accordent pour classifier ce type de service d’échanges de proximité dans une quelconque définition théorique ou dans une catégorie institutionnelle qui permettrait de l’encadrer et d’éviter les écueils concernant la question juridique dans plusieurs pays (Gaudreault, 2010). Malgré cela, comme le mentionne Ferraton, Blanc et Malendrin (2003), « Il existerait donc a priori une certaine parenté entre les objectifs que poursuivent les systèmes d'échange locaux et les objectifs économiques, politiques et sociaux de l'économie solidaire. ». Ceci est particulièrement vrai dans le sens où tous deux : 1)cherchent à servir la collectivité plutôt qu’à engendrer des profits; 2) encouragent des modes participatifs et égalitaires; 3) nécessitent un engagement volontaire préalable de ses membres autour d’un projet commun; 4)offrent des moyens de socialisation et d’intégration sociale où les personnes membres peuvent exercer des actions solidaires (Blanc et Ferraton, 2005).

Or, ce qui distingue les SEL des autres entreprises d’économie solidaire ou sociale, c’est qu’ils s’attaquent, comme le dirait Neamtan (2002), aux « vérités immuables » de l’économie néolibérale, la « monnaie nationale ». Pour Blanc et Ferraton (2005), les SEL amènent la notion de « monnaie sociale ». Blanc (2006, cité par Gaudreaut, 2010) ajoute que, par la mise en place d’un dispositif de monnaie sociale, les services d’échanges de proximité se rapprochent encore davantage de la dynamique dernière l’économie sociale et solidaire. Pour Gaudreault (2010) toutefois, ce rapprochement l’amène à considérer les échanges de proximité comme étant insérés dans un mouvement plus large qui remet en question le modèle économique actuel néolibéral. En ce sens, la monnaie sociale apporte la distinction que les activités économiques ne relèvent pas seulement du marché et que dorénavant, l’économie est plurielle de par le principe réciprocitaire qu’ils apportent (D’Amours, 2006, cité par Gaudreault, 2010).

 

Ce principe de réciprocité devient alors central dans les SEL puisque la participation des membres est indissociable du lien social qui motive leur adhésion au départ. Il en revient également à subordonner le marché et le lien lors de l’échange devient plus important que l’échange en soi (Gaudreault, 2010).

Le Réseau des Accorderies au Québec

Fondé à Québec en 2002 à la suite d’une initiative de la Caisse d’économie solidaire Desjardins et de la Fondation St-Roch, le Réseau compte aujourd’hui plus de 13 Accorderies à travers la province (L'Accorderie, s.d.). Ce sont ainsi plus de 1000 services diversifiés offerts par plus de 3000 adhérents qui s’inscrivent selon le même principe que celui de la Banque à pitons en ce qui concerne l’échange de services (L'Accorderie, s.d.). Depuis 2006, il y a eu une grande expansion, soit plus de 10 Accorderies qui se sont ajoutées (L'Accorderie, s.d.), preuve que la demande en alternative est bel et bien présente pour contrer les effets de l’idéologie néolibérale et lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté.

Les SEL dans la région de Chaudière-Appalaches

L’engouement pour les SEL a également gagné la région de Chaudière-Appalaches au cours des dernières années. La carte suivante démontre ceux qui étaient implantés en région au printemps 2015.

 

D’abord, la Banque à pitons a vu le jour à Lévis en juin 2013, à la suite d’une initiative de plusieurs organismes communautaires du milieu, à savoir le Carrefour Jeunesse Emploi de Desjardins, Connexion Emploi ressources femmes, La Chaudronnée, l’Office municipal d’habitation de Lévis et l’organisme Ressources-Naissances (La Banque à pitons, s.d.).

Par la suite, des démarches ont également été initiées dans la région de Beauce-Sartigan par la Table jeunesse de Beauce-Sartigan avec, conjointement, l’appui financier du Forum jeunesse régional de la Chaudière-Appalaches. C’est donc en mars 2014 que le système d'échange local Mon grain de sel ouvrait ses portes aux citoyenEs de cette région (Mon grain de sel, s.d.).

Enfin, le SEL Partage Bellechasse a vu le jour en octobre 2014 à la suite d’une initiative de plusieurs organismes de la région de Bellechasse et de l’implication financière de la Conférence régionale des élu(e)s de la Chaudière-Appalaches, dans le cadre du Programme Solidarité et Inclusion Sociale Chaudière-Appalaches (SISCA), Volet 1, en collaboration avec le MESS (Ministère de l’Emploi et de la solidarité sociale) (Partage Bellechasse, s.d.).


Comment la Banque à pitons, comme système d’échange de services, façonne les personnes, la communauté ou le territoire ?

Il est difficile de reconnaître pour l’instant les impacts et retombées concrèts de la mise en place de la Banque à pitons puisqu’il s’agit d’une initiative assez récente. C’est donc dans ce contexte que nous avons proposé, lors d’un séminaire en classe, une activité de réflexion portant sur les impacts et les retombées possibles de cet organisme selon les dimensions économique, politique, idéologique et sociale. En équipe de 4 personnes, les étudiantEs étaient amenéEs à réfléchir et échanger sur le sujet. Le tableau suivant présente les résultats obtenus lors de l’échange.

Dimensions

Les personnes

La communauté

Le territoire

Économique

- Pas besoin de débourser de l’argent pour avoir des services

- Accessible à tous

 

- Diminue l’écart entre les riches et les pauvres

- Partenariat entre les organismes et les commerces

- Ça leur coûte rien de s’aider entre eux

- Pas de compétition

- Augmente le Produit intérieur doux (PID)

- Les échanges ne se calculent pas en $

- Activités non marchandes

Politique

- Réappropriation de leur citoyenneté (ex. : intérêts politiques, aller voter, etc.)

- Défense des intérêts personnels

- Défense des intérêts communs

- Mobilisation citoyenne

- Développement d’un esprit politique protectionniste

Idéologique

- L’apport de chaque personne dans sa communauté

- Valorisation de l’égalité entre tous et chacun peu importe les services qu’ils rendent

- Alternative collective au capitalisme

- Entraide et soutien de proximité

- Économie locale favorisée

Sociale

- Briser l’isolement

- Valorisation

- Mettre ses connaissances à profit

- Solidarité

- Sentiment d’appartenance

- Tissage de liens

- Égalité : les pauvres reçoivent des riches

- Attirer la population vers l’entraide de la collectivité

- Organismes communautaires de plus

- Inspiration pour les autres collectivités

Comme il sera démontré dans la section suivante, les éléments rapportés à la suite de l’activité correspondent à ce qui a été répertorié lors de recherches portant sur des expériences similaires.

Impacts et retombées des SEL au Québec

Diverses études nous ont permis de valider les résultats obtenus à la suite de notre activité et par le fait même, de faire le pont avec les objectifs visés par la Banque à pitons.

D’abord, et comme le mentionne Bilodeau et Le Bossé (2011), le caractère innovant d’un SEL comme l’Accorderie démontre bien que la nature des impacts observés dépasse les pratiques socioéducatives où la conception de l’aide repose sur des facteurs individuels et structurels destinées à améliorer la participation à la vie socioéconomique. Dans ce contexte, on peut réaffirmer que ce type d’organisme agit davantage dans la mouvance altermondialiste puisqu’il vient remettre en question les fondements du système actuel et visent à accroître les solidarités entre les personnes, dans un but de changement social, par le principe réciprocitaire qu’il inspire.

Sur le plan des personnes, dans une étude sur l’Accorderie de Québec, Bilodeau et Le Bossé (2011) en sont venus à démontrer que les impacts et les bénéfices retirés par les membres étaient considérables. Comme le démontre l’extrait suivant, les retombées vont au-delà des bénéfices financiers :

Les Accordeurs 1) développent leur conscience critique; ils envisagent la source des problèmes sociaux et les pistes de solution en considérant à la fois les facteurs individuels et structurels qui les créent ou les maintiennent; 2) se sentent capables de faire et de s’engager dans des activités; de plus, ils sont utiles aux autres; 3) ont une image de soi positive basée sur leurs compétences; 4)reçoivent du soutien axé sur l’entraide et la coopération; soutien qui passe inévitablement par la communauté des Accordeurs et; 5) sentent que les personnes de l’équipe salariée misent sur leur capacité de changement individuel. (Bilodeau et Le Bossé, 2011)

C’est également ce qu’a démontré une autre étude de Boulianne et Comeau (2012), intitulée Inventaire et retombées des réseaux d’échange de proximité québécois où les chercheurs en sont venus à démontrer que la perception des impacts chez les membres dépassait bien largement les attentes initiales des fondateurs.

Quant aux impacts dans la communauté, de par la mise en place de SEL, se sont de nombreux acteurs qui sont mobilisés pour faire des affaires autrement et qui saisissent les opportunités offertes. Ici, il n’est plus question de s’enrichir personnellement, mais plutôt « [d’] enrichir leur communauté en apportant des réponses originales, pertinentes et collectives à ses besoins » (Boulianne et Comeau, 2012). Toujours selon l’étude de Boulianne et Comeau (2012), 77 % des répondants ont indiqué que le réseau a contribué à dynamiser la vie communautaire dans leur localité et que dans une proportion de 72 %, ils utilisaient le système d’échange de proximité pour apprécier les habiletés des gens qui vivent dans leur communauté.

Sur le plan du territoire, on peut souligner qu’à la suite de la mise en place de la Banque à pitons, d’autres secteurs de la région de Chaudière-Appalaches ont opté pour implanter ce genre de service au sein de leur territoire, et ce, même s’il s’agit d’abord d’un projet visant la lutte à la pauvreté et à l’exclusion. Par ailleurs, les retombées régionales ne peuvent être recensées étant donné que ce genre de projet constitue des initiatives locales et marginales. 


Conclusion

Les apprentissages que nous retirons dans le cadre du cours Forces et mouvements sociaux à travers l'étude de cas de la Banque à pitons sont nombreux et suscitent, pour nous futurs travailleurs sociaux, plusieurs questionnements. Celui qui nous interpelle le plus est le suivant : Considérant les définitions émises à ce jour, sur quelles bases peut-on définir que la Banque à pitons est un mouvement social ?

D'abord, en tenant compte de la définition de Rocher (Rocher, 1995, dans Gélineau, 2015), et bien que les moyens utilisés par la Banque à pitons ne visent pas une quelconque revendication active sur la place publique, le réseau d'échange constitue à lui seul un moyen permettant la défense et la promotion des intérêts de ses membres, et ce, dans une optique de changement social.

Par ailleurs, selon la définition de Della Porta et Diani (2006, dans Gélineau, 2015), le réseau d'échange de services, en étant basé sur l'entraide, la coopération et la solidarité, et proposant une solution alternative à l'économie de marché actuelle, constitue une forme de protestation en soi.

Par conséquent, et bien que la formule utilisée ne puisse être attribuée à une définition précise, n'en demeure pas moins que l'organisme participe à la mobilisation et à la mise en place d'un contre-pouvoir revendiquant une autre forme d'économie. Ainsi fait, l'idéologie néolibérale et le capitalisme sont ainsi contestés, comme le fait le mouvement altermondialiste. Nous pouvons donc affirmer que la Banque à pitons est un mouvement social et que ce genre d'initiatives, bien que localisées, méritent que l'on s'y attarde davantage. Ceci permettrait ainsi de voir émerger une définition qui baliserait les fondements et concepts entourant les SEL afin de l'insérer parmi les mouvements sociaux contemporains.


Médiagraphie


Documents en ligne

Association québécoise pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens. (2009). Fascicule des BIC - Le néolibéralisme et le commerce. Repéré à http://www.quebec.attac.org/IMG/pdf/13c_commerce_impo.pdf

Association québécoise pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens. (2009). Fascicule des BIC - Le néolibéralisme et le travail. (s.d.). Repéré à http://www.quebec.attac.org/IMG/pdf/7c_travail.pdf

Bilodeau, A. & Le Bossé, Y. (2011). Résumé de la recherche Pour l’Accorderie de Québec. Repéré à https://pouvoirdagir.files.wordpress.com/2014/ 01/ rc3a9sumc3a9-de-la-recherche-2011-yann-le-bossc3a9.pdf

Blanc, J. & Fare, M. (2010). Les monnaies sociales en tant que dispositifs innovants : une évaluation. Repéré à https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00518349/ document

Blanc, J., Ferraton, C. & Malandrin, G. (2003). Les systèmes d’échange local. Hermès, 36, 91-99. Repéré à http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/9363/ HERMES_2003 _36_91.pdf

Blanc, J. et Ferraton, C. (2005). Une monnaie sociale ? Systèmes d’échange local (SEL) et économie solidaire. Dans G. Rasselet, M. Delaplace et E. Bosserelle (coord.), L’économie sociale en perspective, Reims : Presses Universitaires de Reims, 2005, pp. 83-98. Repéré à https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00133657

Boulianne, M. et Comeau, Y. (2012). Inventaire et retombées des réseaux d’échange de proximité québécois. Cahier de la Chaire de recherche Marcelle-Mallet sur la culture philanthropique. Coédition avec le Centre de recherche, d’information et de développement de l’économie solidaire (CRIDÉS). Repéré à www.fss.ulaval.ca/cms_recherche/.../boulianne_et_comeau_ee1201.pdf

Gaudreault, J. (2010). La stratégie dans les organisations d’économie sociale : Le cas des systèmes d’échange de proximité québécois. Cahiers du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) - Collection Thèses et Mémoires, no TM1101. Repéré à https://crises.uqam.ca/upload/files/publications/.../CRISES_TM1101.pdf

Gélineau, L. (2015). SCH1614 – Se donner des repères communs Cours 2 [Présentation PowerPoint]. Repéré dans l’environnement Moodle : http://portail.uqar.ca

Hubaud, M. (2002). Une expérience associative dans un système d'échange local. Connexions, 1(77), 77-88. Repéré à http://www.cairn.info/revue-connexions-2002-1-page-77.htm

Neamtan, N. (2002). Citoyenneté́ et Mondialisation : Participation et démocratie dans un contexte de mondialisation. Repéréà http://www.carold.ca/publications/CGCM Carold_economie_sociale_et_solidaire.pdf

Roustang, G. (2003). Mondialisation et économie solidaire. Hermès, 36, 175-182. Repéré à http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/9363/HERMES_ 2003_36_175.pdf

Zarachowicz, W. (20 novembre 2014). Et si l'action locale pouvait changer le monde? [Billet de Blogue]. Repéré à http://www.telerama.fr/idees/changer-le-monde-autrement,119037.php

 

Sites Internet

Chambre de commerce de Lévis. (2015). Les finalistes des Pléiades – Prix d’excellence 2014 sont…. Repéré à http://www.cclevis.com/Html/fr/News/123.html

La Banque à Pitons. (s.d.). Banque à Pitons, au-delà du partage, osez!. Repéré à http://www.banqueapitons.org/banque-à-pitons.aspx

L’Accorderie. (s. d.) L’Accorderie, échanger et coopérer. Repéré à http://accorderie.ca/historique/

Mon grain de sel. (s.d.). Site Internet. Repéré à https://www.mongraindeselbce.com/

Partage Bellechasse. (s.d.). Site Internet. Repéré à http://partagebellechasse.com/

Matériel audiovisuel

L’Accorderie. (2012). Le temps, une richesse. [Vidéo en ligne]. Repéré à https://vimeo.com/39772824

La Banque à pitons. (2014). Banque à pitons – Capsule. [Vidéo en ligne]. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=recudnkfnz0&feature=youtu.be