LA GENÈSE DES OPÉRATIONS DIGNITÉ

Site Web fait par Audrey Jade Di Genova, Sarah Lajoie et Claudy Massé. 

Avant-propos

En 2012, Tout le monde en parlait a présenté un documentaire très intéressant au sujet des Opérations Dignité sur la plateforme de Radio-Canada. Ce reportage permet de mettre en lumière les témoignages de gens ayant personnellement vécu les Opérations Dignité. Pour le voir, cliquez ici

 

Dans le cadre de notre recherche, aucune image ou photographie a pu être mis sur notre site Web dû aux droits d'auteurs. Cela a été un enjeu important dans notre recherche puisqu'il y a très peu de photos des Opérations Dignité qui se sont passés dans les années 1970. Ainsi, il y a très peu d'images que nous pouvons avoir accès directement en ligne. Plusieurs appels ont été effectués auprès de divers auteurs d'articles et de site internet, mais, malheureusement, nous n'avons pas eu la chance d'avoir accès à ses images ou photographies dans le délai que nous avions. 

 

Pour cette raison, voici plusieurs liens de sites Internet dans lesquels on peut retrouver plusieurs photos qui représentent le mouvement des Opérations Dignité.

    • Plusieurs photographies de la fermeture du village de Saint-Nil sont présentés dans ce site Internet
    • Une photo de Gilles Roy, un acteur important de l'émergence des Opérations Dignité, est présentée dans cette article
    • En navigant sur le site Internet du Centre mise en valeur des Opérations Dignité, vous pourriez trouver plusieurs images très intéressantes sur notre recherche. 

Qu'est-ce que les Opérations Dignité

Il sera question ici de la genèse des Opérations Dignité I dans une option de mouvement régional. Ainsi, cela se concentrera sur les Opérations Dignité 

  • La visée
  • Les acteurs 
  • Le déroulement des évènements 
  • Les moyens
  • Les valeurs 
  • La force en présence et son action
  • Le contexte historique
  • Les résultats

Par la suite, il sera sujet des Opérations Dignité selon un mouvement social et régional. Enfin, vous trouverez sur cette page la manière dont ce mouvement a façonné, à sa façon, les personnes, les communautés, les territoires, etc. 


La visée

La naissance du mouvement des Opérations Dignité a été provoquée afin de lutter contre la fermeture de plusieurs villages que le gouvernement souhaitait fermer à la suite des recommandations du BAEQ. L’objectif de ce mouvement était de protester contre les fermetures massives des villages dans l’est du Québec. Les Opérations Dignité I est le premier mouvement qui est apparu. Ce dernier était caractérisé par un principe d’autodéfense. En effet, des villageois se sont mobilisés afin de protester contre les mesures inspirées des recommandations du BAEQ que le gouvernement voulait leur imposer (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c).

Les acteurs 

Les principaux acteurs et leaders du mouvement des Opérations Dignité sont Charles Banville, Jean-Marc Gendron et Gilles Roy. Ces hommes sont des curés qui se sont impliqués dans la lutte contre la fermeture des villages. Ils ont été les trois premiers présidents dans le mouvement des Opérations Dignité (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c).

 

Également, Pierre De Bané est l'un des premiers députés fédéraux à avoir joué un rôle important lorsque le mouvement des Opérations Dignité a pris forme. Il a réussi à gagner la confiance de la population notamment grâce au fait qu’il « supportait les initiatives de la population » (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c, p.7).  

Le déroulement des évènements 

Le Bureau d’aménagement de l’Est-du-Québec (BAEQ) a fait son apparition dans les années 1964 dans plusieurs paroisses des régions (Banville, 1977). La création du BAEQ « suscitait beaucoup d’espoir chez les jeunes technocrates québécois » (Dionne, 1983, p.32) puisqu’il avait comme mission « d’évaluer la situation socio-économique et en même temps d’établir une prise de conscience au niveau de la population » (Banville, 1977, p.15). Pendant deux ans, le BAEQ a préparé un plan directeur d’aménagement régional. Durant tout le processus de cette préparation, la participation des habitants des régions était cruciale pour obtenir leur point de vue. Le but de leur participation était d’avoir la « collaboration des personnes ou des groupes pour la collecte des renseignements et [aussi] d’établir avec eux, un diagnostic de la situation » (Dionne, 1983, p.40-41). 

 

Dans cette optique, les populations ont été consultées afin de leur demander de voter pour ou contre la fermeture de leur village. Cependant, ces derniers ne connaissaient pas toutes les informations nécessaires pour voter de façon claire et éclairée, comme il sera expliqué plus en profondeur dans la partie portant sur le contexte historique. De ce certaines familles étaient très optimistes d’être relocalisées, alors que d’autres ne l’étaient pas. C’est en partie grâce aux familles ne voulant pas être relocalisé qu’en 1970, à Sainte-Paule, le mouvement Opération Dignité commença (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c, p.5). En effet, ces gens montraient « une volonté de “vivre chez soi”, d’habiter un territoire, de “vivre dignement à partir des ressources du territoire” » (Dionne, 1983, p.52). Charles Banville a mentionné aux habitants cette phrase-ci : « Vous ne voulez pas partir, mais il faut faire quelque chose, sinon vous partirez par la force des choses » (1977, p.19). Cette phrase a eu beaucoup d’impact, car, par la suite, une manifestation fut créée à Sainte-Paule en juillet 1970 par les acteurs principaux soit Charles Banville, Jean-Marc Gendron et Gilles Roy. Cette manifestation a attiré plus de 3000 personnes.

Les moyens

De nombreux moyens ont été pris par les présidents du mouvement des Opérations Dignité avec l’aide des citoyens. D’abord, plusieurs conférences de presse ont été faites tout comme plusieurs rencontres au parlement. De plus, des comités citoyens ont été mis en place dans différentes paroisses. Par la suite, il y a eu « une élaboration des projets collectifs [et] une mise au point de certaines propositions de développement » (Dionne, 1983, p.55). Finalement, les gens se sont regroupés ensemble et ont démontré une volonté de rester sur leur territoire sans être relocalisé, comme il a été illustré plus haut par la manifestation des Opérations Dignité I.

La valeur 

Les valeurs que portaient les manifestants des Opérations Dignité I était principalement le respect de leurs ressources économiques, de leurs capacités à les gérer et par le fait même de leur dignité (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c).

Une force en présence et son action 

La principale force est le capitalisme qui, dans le cas de la genèse des Opérations Dignité I, s’illustre par une logique de concentration. En effet, « ce qu’a inscrit ce mouvement populaire dans l’espace et dans les rapports sociaux, ce sont des points de résistance et de révolte aux formes d’exploitation et de marginalisation que génère le système capitaliste » (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c, p. 6). Ainsi, on comprend que le capitalisme est une grande force qui peut être favorable à certains acteurs, tels les États, et être défavorable à d’autres, tels les habitants d’un village menacé d’être fermé pour une logique de concentration en faveur d’une économie moderne (Bouchard, 2013, p. 64). 

 

Cette logique de concentration est l’idée d’une nouvelle économie moderne, soit les pôles d’attraction qui « favorise, d’une part, la concentration des villes et des entreprises et, d’autre part, l’exclusion ou la marginalisation des petites unités et des zones éloignées des centres » (Bouchard, 2013, p. 36). En effet, le BAEQ pensait, entre autres, qu’en concentrant le marché économique dans les centres périphériques et urbains et en faisant disparaître les villages marginaux comme celui de Sainte-Paule, l’économie des régions allait pouvoir se moderniser. Selon Bouchard, l’intention de vouloir revitaliser les régions à l’aide de cette idéologie était bonne en tant que telle. Cependant, l’analyse des besoins des régions pour résoudre leurs problèmes économiques et sociaux a été incomplète. L’analyse aurait dû porter sur les ressources et les caractéristiques (identité) propres aux régions (Bouchard, 2013, pp. 64-65).

Le contexte historique 

Dévitalisation des régions

La Révolution tranquille dans les années 1960 a été caractérisée par une modernisation économique et sociale du Québec. Cette révolution a permis un progrès « de la recherche, des techniques de production et des moyens de communication » (Bouchard, 2013, p. 35), ce qui a permis une « concentration rapide des activités de production dans des ensembles plus grands qui permettent des économies d’échelle et dans les centres urbains qui offrent l’accès à des marchés plus grands et plus rapprochés et à des ressources humaines plus concentrées » (Bouchard, 2013, p. 35).

 

Ainsi, on comprend qu’une logique de concentration était très présente au Québec durant cette époque. Dans ce contexte, plusieurs habitants des régions ont déménagé vers les grands centres périphériques et urbains où le marché économique se concentrait et où se trouvaient plusieurs industries avec des besoins de mains-d’œuvre. Par conséquent, les régions, tel le Bas-Saint-Laurent où se situe la municipalité Sainte-Paule, ont commencé à se régresser « dès le milieu des années 1960 » (Bouchard, 2013, p. 44). Cette régression s’est illustrée, entre autres, par l’apparition d’autobus scolaire et les fermetures d’écoles de rang remplacées par des écoles modernes dans les centres périphériques et urbains. Ces écoles ont été construites afin que les habitants intègrent les notions nécessaires aux emplois modernes qui, selon la logique de concentration, sont nécessaires pour faire fonctionner l’économie du Québec (Bouchard, 2013).

 

Également, la dévitalisation des régions s’est illustrée par une privation de plusieurs emplois dus, entre autres, à leur modernisation, notamment par le fait qu’ils nécessitent moins de mains-d’œuvre et plus de machinerie et qu’ils provoquent un épuisement des ressources naturelles (Bouchard, 2013, p. 49). De plus, le contexte du marché économique a influencé une baisse du prix de vente des produits agricoles à cause du vaste marché et de son libre-échange, ce qui a influencé l’exode des familles productrices et des entreprises (Bouchard, 2013).

 

Par conséquent, la logique de concentration pour l’économie moderne a provoqué involontairement des problèmes de pauvreté, de chômage et de qualité dans les régions du Québec alors que les grands centres périphériques et urbains s’enrichissaient.

Un plan dans le but de revitaliser les régions

En 1963, un nouveau programme fédéral soit l’Aménagement rural et le développement agricole (ARDA) a permis au gouvernement provincial de confier au Bureau d’aménagement du Québec (BAEQ) le projet de planifier le développement régional afin de faire face à la dévitalisation des régions, comme il a été mentionné plus haut (Bouchard, 2013). Dans cette optique, de 1963 à 1966, le BAEQ a consulté les habitants concernés qui semblaient être en accord pour moderniser leur économie, mais qui n’étaient pas conscients des conséquences que ce changement engendrait :

 

La majorité de la population ne connaissait de ce plan que ce qu’en disaient les manchettes des journaux. Elle en attendait un relèvement rapide du niveau de vie et une création d’emplois stables. Mais, malgré toute la publicité qui a accompagné son élaboration, elle ne connaissait pas son contenu. Et, malgré ce que l’on en a dit, ce plan n’a jamais été le sien, mais celui d’un petit groupe de chercheurs désireux d’innover. À ce sujet, une enquête effectuée par des étudiants, en 1968, auprès de 1 000 personnes du comté de Bonaventure a révélé que 55 % de la population ne savait pas ce qu’était le BAEQ ; que 84 % de la population n’avait pas participé à l’élaboration du plan ; et que seulement 37 % de la population était au courant des projets de l’organisme. Quant à ces personnes mieux renseignées, elles acceptaient pour la plupart les objectifs proposés, mais sans connaître exactement les modalités d’exécution des divers projets. C’est ainsi que la majorité des citoyens souhaitaient un renforcement de la structure urbaine, mais peu d’entre eux savaient qu’une fusion municipale d’envergure était proposée pour y parvenir ; condition avec laquelle ils étaient en profond désaccord. (Dugas, 1973, p. 285)

 

À la suite de l’analyse du BAEQ de la situation des régions, un Plan a été élaboré et proposé au gouvernement en 1966. (Bouchard, 2013) C’est en 1968 que ce plan a été mis en marche. Il consistait à « favoriser le progrès économique et social de la région, à accroître les possibilités de revenu et d’emploi et à y relever le niveau de vie. »  (Bouchard, 2013, p. 58)

 

Précisément, voici ce en quoi consistait le Plan élaboré par le BAEQ présenté par Centre de mise en valeur des Opérations Dignité :

 

• Moderniser des secteurs traditionnels — réorganisation de l’unité de production ; refonte en de grandes unités ou élimination des unités marginales ; professionnalisation des travailleurs.

 

• Mettre en valeur des secteurs économiques dynamiques — consolidation des entreprises de transformation du bois, du lait et du poisson ; implantation de nouvelles entreprises qui ne sont pas fondées sur les richesses locales ; reconnaissance des centres urbains de Matane, Mont-Joli, Rimouski et Rivière-du-Loup en tant que zones industrielles ; primes à l’établissement des entreprises dans les parcs industriels de ces secteurs ; amélioration des équipements ; développement de l’artisanat. En regard du tourisme : investissement de 22 M$ ; augmentation du nombre de touristes de 225 000 à un million annuellement, pour des dépenses passant de 13 M$ à 100 M$ ; établissement d’un réseau d’étapes et d’attraits touristiques dont les pôles principaux seraient Percé, Carleton, Mont-St-Pierre et Chandler ; aménagement du parc national de Forillon, du parc de la Gaspésie et du parc du Bic ; ensemencement de certaines rivières à saumon.

 

• Revaloriser la main-d’œuvre — reclassement d’environ 20 000 travailleurs s’inscrivant à l’intérieur d’une politique générale de la main-d’œuvre qui encourage la qualification et l’acquisition d’une mobilité occupationnelle et géographique (avec l’objectif caché d’exporter une main-d’œuvre qualifiée dans les centres urbains).

 

• Instaurer un cadre institutionnel — décentralisation des pouvoirs gouvernementaux incluant des responsabilités accrues aux fonctionnaires régionaux et aux gouvernements municipaux ; regroupements des unités locales (213 municipalités en 25 corporations dans un Conseil municipal régional qui repose sur des comités locaux) ; instauration d’une réforme dans la manière de prendre des décisions en associant la population aux prises de décision à l’intérieur du Conseil régional de développement de l’Est-du-Québec (CRDEQ) incluant des représentants des quatre sous-régions (Grand-Portage, Métis, Gaspésie, Iles-de-la-Madeleine).

 

• Encourager la participation citoyenne 4 — manifestations concrètes de la conscience régionale dans les localités, les regroupements et même au sein des individus ; mobilisation de 5 000 personnes dans la phase de préparation du Plan.

 

• Structurer rationnellement l’espace régional — planification de l’urbanisation, définition de pôles urbains de type régional et sous-régional, élaboration de nouveaux découpages administratifs ; subventions accordées aux centres urbains et aux centres de services désignés, fermeture de paroisses marginales, primes de déménagement, programme d’aide aux logements incluant la construction d’HLM ; changement de milieu pour environ 6 500 familles durant le premier Plan ; amélioration du transport incluant la construction de routes, la mise en place d’un système de transport intégré, l’amélioration du service de traversier desservant les Iles-de-la-Madeleine et de l’aéroport de Mont-Joli. (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c, pp. 2-3)

 

Pour y arriver, le BAEQ a demandé au Comité interministériel des paroisses marginales d’identifier les villages les plus marginaux afin de les fermer et d’aider les citoyens à se relocaliser pour ainsi améliorer leur condition de vie (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c). Parmi ces villages se trouvait Sainte-Paule qui finalement n’aura pas fait partie du premier essai de fermeture. C’est plutôt en 1970 que ce village sera menacé d’être fermé (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c).  

Les résultats

Le mouvement des Opérations Dignité I a permis à la population des régions de faire accepter par le gouvernement un projet au montant de 1,2 M$. Ce montant a permis à la population de mandater Le Fonds de recherche Forestière de l’Université Laval (FRUL) afin qu’il effectue une recherche « […] concernant l’exploitation de la forêt et [afin qu’il conçoive] une structure d’autogestion afin de parvenir à une meilleure exploitation des ressources naturelles et de bénéficier des nouveaux apports scientifiques » (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c, p. 7). Ce mandat avait comme but de créer 160 emplois, mais surtout de permettre à la population d’être consultée pour toutes les décisions les touchant, en ce qui concerne leur implication dans la gestion des ressources et l’entièreté du projet (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c).

 

Par ailleurs, ce mouvement a permis « […] la naissance d’une conscience régionale élargie à l’ensemble du territoire de l’Est-du-Québec. » (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c, p. 9). Par conséquent, le mouvement des Opérations Dignité II et III, qui portaient d’autres revendications, ont été possible grâce à la genèse de ce mouvement.


Les Opérations Dignité : un mouvement social et régional

Le mouvement social

L’histoire de cas de la genèse des Opérations Dignité présentée dans ce travail illustre un mouvement social. Effectivement, elle répond aux trois principes actifs de Touraine, celui-ci étant un sociologue français majeur de l’action sociale et des mouvements sociaux, soit l’identité, l’opposition et la totalité (Gélineau, 2018b). Cela sera démontré par la mise en relation de chacun de ces principes actifs avec l’histoire de cas des Opérations Dignité. Tout d’abord, lorsque l’on se penche sur l’identité, on constate que les Opérations Dignité représentent et parlent au nom de la population régionale dont leur village est menacé de fermeture. Également, l’identité régionale et la viabilité économique sont les deux intérêts que les Opérations Dignité visent à protéger. Ces deux intérêts sont mis en péril à cause des risques de fermeture des villages, ceux-ci étant jugés socialement non viables et économiquement non rentables (Radio-Canada, 2012). Concernant le deuxième principe actif, soit l’opposition, on constate que l’histoire de cas dont il est question ici lutte contre les mesures de fermetures mises en place par le Bureau d’aménagement de l’Est-du-Québec (BAEQ) dans les régions du Bas-St-Laurent et de la Gaspésie. Aussi, l’une des forces d’inertie contre lesquelles les Opérations Dignité s’acharnent est le capitalisme, comme mentionnée dans la partie plus haut. Par la suite, le BAEQ et le gouvernement du Québec sont les principaux opposants des Opérations Dignité. Enfin, le dernier principe actif concerne la totalité. Parallèlement, selon les nombreuses recherches portant sur les Opérations Dignité, on constate que ceux-ci agissent selon l’identité, le sentiment de Dignité et l’autonomie des villages régionaux qui permettent leur viabilité (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018c). Ainsi, comme l’histoire de cas des Opérations Dignité répond aux principes actifs, il est possible de conclure qu’elle correspond davantage à un mouvement social qu’à une simple mobilisation.

Le mouvement identitaire régional

Il est possible d’affirmer que les Opérations Dignité s’inscrivent dans le mouvement identitaire régional. Effectivement, les enjeux de ce mouvement sont les mêmes que ceux présents dans cette étude de cas, soit une diminution et une dégradation des services, une désappropriation et une perte de contrôle de l’exploitation des ressources et des retombées économiques de celles-ci et une pauvreté chez la population des régions. Également, l’une des visées et aspirations de ce mouvement concorde directement avec celle des Opérations Dignité. En effet, la revitalisation des milieux ruraux est une visée et une aspiration importante et mise de l’avant lors des Opérations Dignité en 1970. D’ailleurs, cela était l’une des revendications importantes ayant mené à l’émergence de ce mouvement dans les années 70 (Gélineau, 2018a; Centre de mise en valeur des Opérateurs Dignité, 2018c). Ainsi, bien qu’il serait possible d’amener d’autres éléments afin d’affirmer que les Opérations Dignité s’inscrivent dans le mouvement identitaire régional, ceux qui ont été amenés ici sont les principaux éléments.


L'influence des Opérations Dignité auprès des personnes, de la communauté, du territoire et de... L'histoire : un mouvement sociale et régional

 Bien que le contenu présent ici vise davantage à illustrer la genèse des Opérations Dignité, il est pertinent de se pencher sur la façon dont ce mouvement a façonné des personnes, une communauté, le territoire rural et même l’histoire. À priori, les Opérations Dignité ont permis, au niveau des personnes, de renforcer l’importance de leur participation dans le maintien de la vitalité de leur région. Ainsi, ce mouvement a contribué à renforcer le pouvoir d’agir des personnes sur leur territoire, notamment par le souci de certaines d’entre elles de contribuer à leur région par leur expertise professionnelle. Cela est possible de le constater par l’importance que certaines personnes accordent à travailler dans leur région. De plus, les régionaux ont pris connaissance, à la suite des Opérations Dignité, de l’importance qu’ils accordent à leur territoire de même qu’à l’importance d’être intégré dans le Québec. En effet, ils désirent maintenant que leurs intérêts soient écoutés et respectés, ce qui n’avait pas été le cas en 1970 lors de l’émergence des Opérations Dignité (Bouchard, 2013; Centre de mise en valeur des Opérateurs Dignité, 2018c; Radio-Canada, 2012).

 

Par la suite, le mouvement des Opérations Dignité a façonné la communauté rurale, et ce, d’une façon importante. En effet, à l’époque, il a contribué à mobiliser une communauté sur une préoccupation commune, soit la menace de fermeture de nombreux villages. Ainsi, quelques années plus tard, sont nées la Coalition urgence rurale (CUR) en 1990 et la Solidarité rurale du Québec (SRQ) en 1991. La création de la CUR et la SRQ découlent directement du mouvement des Opérations Dignité dans les années 1970. Cependant, bien que la préoccupation centrale de la communauté soit différente de celle à l’époque, étant davantage actuellement le maintien de la vitalité des régions, ces organismes œuvrent toujours aujourd’hui dans les régions, notamment dans le Bas-St-Laurent. En effet, la CUR a comme mission « d’accompagner les citoyenNEs dans la prise en charge de leur milieu, selon les principes du développement durable des communautés rurales et en partenariat avec les organismes locaux. » (Association des médias écrits communautaires du Québec, 2015, p. n. d.). Ensuite, la mission de la Solidarité rurale du Québec est « de promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, de ses villages et de ses communautés. » (Solidarité rurale du Québec, 2018, p. n. d.). De ce fait, il est possible de constater qu’une vision différente de voir les choses est présente, puisque cela diffère d’une vision, entre autres, mondialiste. Effectivement, les Opérations Dignité ont amené la communauté rurale à avoir une vision locale afin de revitaliser leur territoire. Également, ce mouvement a amené la création d’une solidarité rurale comme l’illustre d’ailleurs la création de la SRQ (Solidarité rurale du Québec, 2018). De ce fait, cela correspond à une transformation importante au niveau de la communauté des régions. De plus, ce mouvement a sensibilisé l’ensemble de la communauté du Québec sur l’importance du maintien des régions pour l’avenir de la province. Cela est une transformation majeure de l’ensemble de la communauté québécoise (Bouchard, 2013; Centre de mise en valeur des Opérateurs Dignité, 2018c; Radio-Canada, 2012).

 

Pour poursuivre, les Opérations Dignité ont influencé le territoire des régions. En effet, ce mouvement a contribué au maintien de nombreux villages qui seraient aujourd’hui fermés sans celui-ci, tels que St-Elzéar à Bonaventure et Saint-Paul-de-la-Croix à Rivière-du-Loup (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018d). Dans ce sens, ce mouvement a permis de rendre compte au gouvernement de l’importance des régions sur le territoire du Québec, ce qui est encore aujourd’hui percevable par les mesures mises en place par le gouvernement provincial afin de favoriser la vitalité des régions. Par exemple, dans son budget de 2018, le Québec prévoit l’investissement de plus de 90 millions de dollars pour soutenir les initiatives visant le recrutement de travailleurs à l’échelle des régions, ce qui est une mesure importante du gouvernement qui vise à soutenir le développement de ces territoires (Pellerin, 2018). Ainsi, les Opérations Dignité ont forcé, en quelque sorte, le gouvernement et la société à transformer leur vision des régions et à les amener à voir l’importance de celles-ci dans le Québec. Cela correspond à une transformation structurelle importante grâce aux Opérations Dignité (Bouchard, 2013; Centre de mise en valeur des Opérateurs Dignité, 2018c; Radio-Canada, 2012).

 

Enfin, les Opérations Dignité ont façonné l’histoire des régions, mais également celle du Québec. En effet, ce mouvement l’a façonnée, entre autres, par l’existence du Centre de mise en valeur des Opérations Dignité situé à Esprit-Saint. Ce centre permet à la population de l’ensemble du Québec de vivre un spectacle multimédia et de visiter une salle thématique sur les Opérations Dignité (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018b). Aussi, l’importance de ce mouvement dans l’histoire s’observe par la présence du Centre d’archives et de recherche sur la ruralité Gilles-Roy. En effet, même après plusieurs années, des chercheurs s’intéressent encore aux Opérations Dignité par l’observation de la ruralité, l’occupation du territoire, la préservation et la mise en valeur des ressources des régions (Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, 2018a). Également, le fait que le mouvement des Opérations Dignité soit connu dans tout le Québec et que des auteurs, comme Roméo Bouchard, s’y intéressent toujours montre que celui-ci a façonné l’histoire régionale, mais aussi celle du Québec (Bouchard, 2013). 


Conclusion

Finalement, le contenu présent a permis de poser un regard sur la genèse des Opérations Dignité. En effet, la présence de la visée, des acteurs, du déroulement des évènements, des moyens, des valeurs de la force en présence et son action, du contexte historique et des résultats ont permis de mieux comprendre la genèse de ce mouvement. De plus, la partie Les Opérations Dignité : un mouvement social et régional, a confirmé que les Opérations dignité sont un mouvement social s’inscrivant dans la famille du mouvement identitaire régionale. Enfin, la dernière partie a montré, qu’outre l’émergence des Opérations Dignité, ce mouvement a façonné des personnes, une communauté, le territoire et l’histoire. Par ailleurs, une limite de cette page concerne la présence de photographies illustrant la genèse des Opérations Dignité, soit de son émergence jusqu’aux Opérations Dignité I. Ainsi, il serait pertinent de se pencher sur la recherche de ces illustrations et l’obtention de droits de diffusion afin de pouvoir, ultérieurement, mettre des images sur les propos présents ici. 


Liste de références

 Association des médias écrits communautaires du Québec. (2015). La Coalition Urgence : Rurale du BSL fête ses 25 ans. Repéré

           à https://amecq.ca/2015/03/27/la-coalition-urgence-rurale-du-bsl-fete-ses-25-ans/ 

 

Banville, C. (1977). Les Opérations Dignité. Québec: Université Laval.

 

Bouchard, R. (2013). Y a-t-il un avenir pour les régions? Un projet d’occupation du territoire. Première édition en 2006.

             Montréal, Québec : Écosociété Centre de mise en valeur des Opérations Dignité. (2018). Les Opérations Dignité en bref.

Repéré à http://www.operationdignite.com/Les-Operations-Dignite-en-bref

 

Centre de mise en valeur des Opérations Dignité. (2018a). Centre d’archives et de recherche sur la ruralité Gilles-Roy. Repéré à http://www.operationdignite.com/Centre-d-archives-et-de-recherche-sur-la-ruralite-Gilles-Roy

 

Centre de mise en valeur des Opérations Dignité. (2018b). Centre d’interprétation. Repéré à http://www.operationdignite.com/-Centre-d-interpretation-des-

 

Centre de mise en valeur des Opérateurs Dignité. (2018c). Histoire du peuplement de « l'arrière-pays » du Bas du Fleuve. Repéré à http://operationdignite.com/IMG/pdf/histoire-arriere-pays.pdf

 

Centre de mise en valeur des Opérations Dignité. (2018d). Liste des municipalités menacées de fermeture. Repéré à http://www.operationdignite.com/Liste-des-municipalites-menacees

 

Dionne, H. (1983). Aménagement intégré des ressources et luttes en milieu rural.

Rimouski, QC: Université du Québec à Rimouski, Groupe de recherche interdisciplinaire en développement de l’Est du Québec. Repéré à http://semaphore.uqar.ca/443/1/AMENAGEMENT_INTEGRE.pdf

 

Dugas, C. (1973). Le développement régional de l’Est du Québec de 1963 à 1972. Cahiers de géographie du Québec, 17 (41),

             283–316. doi:10.7202/021119ar

 

Gélineau, L. (2018a). SCH1614 - Forces et mouvements sociaux : Les mouvements identitaires [PDF]. Repéré dans Moodle,

              à http://moodle.uqar.ca/

 

Gélineau, L. (2018b). SCH1614 - Forces et mouvements sociaux : Se donner des repèrescommuns [PDF]. Repéré dans Moodle,

              à http://moodle.uqar.ca/

 

Pellerin, C. (28 mars 2018). Budget 2018 : réactions concernant les mesures touchant nos régions. TVA - CIMT-CHAU. Repéré à https://cimtchau.ca/nouvelles/budget-2018-reactions-concernant-les-mesures-touchant-nos-regions/

 

Radio-Canada. (2012). Tout le monde en parlait: Les Opérations Dignité. [Vidéo en ligne].

Repéré à https://ici.tou.tv/tout-le-monde-en-parlait/s07e17

 

Solidarité rurale du Québec. (2018). Organisation. Repéré à http://www.ruralite.qc.ca/fr/SRQ/Organisation