La Grande Histoire

Tout d’abord, les Autochtones sont méprisés et persécutés depuis plusieurs décennies. En effet, la Loi constitutionnelle de 1867 a donné naissance à la Confédération, mais elle prévoyait aussi une capacité unique au gouvernement du Canada de légiférer quant aux « Indiens » et aux « terres réservées aux Indiens ». Le gouvernement fédéral a donc élaboré très rapidement un projet d’assimilation des Autochtones sans considérer leur histoire. L’Acte des sauvages qui a été adopté par le gouvernement fédéral en 1876, et qui est devenu la Loi sur les Indiens au fil des années avait comme but d’accélérer la dépossession du territoire indien et la disparition des Premières Nations par l’assimilation. Ce peuple a donc rapidement perdu plusieurs de ses droits tels que le droit à son autonomie politique et le droit à l’éducation de ses enfants selon sa propre culture (André-Grégoire, 2017).

 

De nos jours, les femmes et les filles autochtones sont aux prises avec des problèmes découlant des événements de l'histoire coloniale du Canada, en plus de l'imposition d'un système patriarcal aux sociétés autochtones. En effet, celles-ci vivent des agressions physiques, des agressions sexuelles ou des vols trois fois plus souvent que les femmes non autochtones (Rapport provisoire, 2017, p.12). Selon le rapport de l’Enquête publique sur l’administration de la justice et les peuples autochtones, les services de police et les systèmes de justice ont eu tendance à ne pas tenir compte des besoins précis des femmes autochtones et ont été incapables de les protéger convenablement contre la violence ou de demander des comptes aux agresseurs. Ces facteurs ont augmenté le taux de violence envers les femmes autochtones. (Rapport provisoire, 2017, p.12)

 

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles disparues et assassinées s’inspire des différents rapports antérieurs portant sur ce sujet, et surtout des résultats et des conclusions de ceux-ci, entre autres la Commission d’enquête sur l’administration de la justice et les Autochtones qui a été mise sur pied en 1988 qui avait pour mandat d’examiner le lien entre les peuples autochtones du Manitoba et le système de justice. Ses conclusions concernaient l’État non seulement en insistant sur la nécessité d’améliorer le système de justice du Québec, mais aussi en demandant de reconnaître les terres et les droits issus des traités, de même que l’autodétermination des Premières Nations. Celle-ci a déclaré que le système de justice a laissé de côté les autochtones et que la justice leur a aussi été tout simplement refusée.

 

Selon la Commission royale sur les peuples autochtones qui a aussi été un pilier pour l’Enquête, les gouvernements successifs ont utilisé leurs pouvoirs pour assimiler ce peuple dans la société canadienne, afin de les éliminer comme nation distincte. Cette Commission été créée en 1991 pour analyser la relation historique entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones, ainsi que pour déterminer  les fondements d’une relation juste et digne entre Autochtones et non-Autochtones au pays (Rapport provisoire, 2017, p.10). Au cours des vingt années qui ont suivi la publication du rapport définitif de la Commission royale, peu de choses avaient changé. Les peuples autochtones sont demeurés divisés, et très peu d’investissements avaient été faits pour répondre à leurs besoins fondamentaux ou pour réduire les écarts socioéconomiques qui s’accentuent. Bien que les gouvernements aient déployé certains efforts pour respecter les traités et l’autodétermination des peuples autochtones, cela n’a pas empêché d’importants reculs. (Rapport provisoire, 2017, p.12)

 

Finalement, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a été créée en 2008 dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens qui a eu comme conclusion que la politique globale d’assimilation des autochtones constituait un génocide culturel. La réconciliation entre les non autochtones et les peuples autochtones exige un grand changement de leur relation, afin de passer d’une vision fondée sur un génocide culturel à une vision axée sur le respect commun (Rapport provisoire, 2017, p.12).

 


Rapports de Commissions d'enquêtes

Dans les rapports de la Commission d’enquête sur l’administration de la justice et les Autochtones au Manitoba (1991), de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996) et de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015), il a été clairement déterminé que la violence envers les peuples autochtones a pris racine dans la colonisation.  Les auteurs des trois rapports présentés ont conclu que les solutions pour mettre fin à la violence envers les Autochtones devaient s’appuyer sur le point de vue des peuples, des communautés et des Nations autochtones autonomes. La Commission d’enquête s’appuie donc sur la conclusion principale de ces trois Commissions : la violence contre les peuples autochtones, y compris les femmes et les filles autochtones, tire son origine de la colonisation. Pour que la violence contre les femmes et les filles autochtones cesse, la relation coloniale permanente qui la facilite doit elle aussi s’achever (Rapport provisoire, 2017, p.13). Par ailleurs, les mouvements post-coloniaux possèdent plusieurs valeurs que l’on retrouve dans l’enquête, soit les valeurs de justice, d’équité et d’inclusion.

Déroulement des événements

Tout d’abord, de 1980 à 2012, la Gendarmerie royale du Canada a recensé 1181 cas d'homicides de filles et de femmes autochtones et d'enquêtes sur des femmes autochtones disparues. Parmi ce nombre, 225 sont des cas qui n’ont jamais été résolus. Les femmes autochtones forment seulement 4 % de la population féminine canadienne, mais représentent 16 % des femmes assassinées au Canada entre 1980 et 2012 (Radio-Canada, 2017).  Suite à la publication du rapport de l’Association des femmes autochtones du Canada de 2010, l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, Inuit Tapiriit Kanatami, des organismes et des associations juridiques, de justice sociale et de défense des droits de la personne se sont joints au mouvement pour réclamer la tenue d’une enquête (Rapport provisoire, 2017).

 

C’est le 8 décembre 2015 que le gouvernement du Canada a annoncé la mise sur pied d’une Enquête nationale indépendante pour analyser le taux très élevé de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées. Entre décembre 2015 et février 2016, le gouvernement a tenu de multiples rencontres à travers le pays auprès des survivantes, des familles, ainsi qu'auprès de représentants autochtones territoriaux, provinciaux et nationaux ainsi que d'organisations de première ligne, et d'autres intervenants afin de recueillir leurs commentaires et leurs avis sur la création et la portée de l'Enquête nationale. Le processus de définition des paramètres de celle-ci a été dirigé par trois ministres fédérales : Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada, Carolyn Bennett, ministre des Affaires autochtones et du Nord et Patty Hajdu, ministre de la Condition féminine.

 

Un rapport final qui résumait tous les commentaires formulés durant tout le processus a été publié, en mai 2016. Le 3 août 2016, le gouvernement a annoncé le nom des cinq commissaires qui dirigeraient l'Enquête, ainsi que son mandat. Les commissaires ont commencé officiellement l'Enquête nationale le 1er septembre 2016. Ils ont présenté un rapport provisoire à l'automne 2017 et ils sont censés présenter un rapport final d'ici la fin de l’année 2018 (FFADA, 2018).