L'enquête nationale se rattache aux mouvements sociaux

L’Enquête nationale pour les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées s’inscrit très clairement dans les mouvements post-coloniaux. En analysant brièvement les trois principes actifs des mouvements sociaux, l’ancrage de l’étude de cas dans le mouvement présenté est incontestable.  Le post-colonialisme est un mouvement social qui cherche à libérer les populations opprimées et colonisées (Gélinau, 2018). Les peuples autochtones du Canada, acteurs principaux dans l’enquête présentée, sont particulièrement représentatifs de cette description. Dans les mouvements post-coloniaux, les opposants sont les colonisateurs. Ces derniers vont opprimer le peuple colonisé en prenant le contrôle de son territoire et de sa politique tout en détruisant sa culture et sa spiritualité par l’assimilation. Les Autochtones qui participent à l’enquête possèdent une histoire culturelle parsemée des actions oppressantes des colonisateurs. Tantôt entassés dans des réserves, tantôt arrachés à leur famille, ces Autochtones sont les représentants d’un peuple soumis à une dictature colonialiste. Leur identité ainsi que leurs opposants s’inscrivent donc dans le mouvement étudié.

 

Afin de libérer les peuples opprimés, les mouvements post-coloniaux portent plusieurs luttes, certaines d’entre elles se retrouvent d’ailleurs dans l’Enquête nationale.  Entre autres, le recueil de la vérité qui est à la base même de l’enquête, s’inscrit sans contredit dans la lutte liée à la reconnaissance de la violence et le déni des droits que porte le mouvement du post-colonialisme (Gélinau, 2018). En effet, les missions de l’enquête, abordées précédemment, sont axées sur la diffusion des vérités recueillies lors de témoignages. De plus, les assassinats et les disparitions investies par l’Enquête nationale sont les résultats d’un déni de droit de protection flagrant de la part des policiers et donc de l’État qui était, par le passé, colonisateur.

Page couverture Facebook de l'Enquête nationale FFADA
Page couverture Facebook de l'Enquête nationale FFADA

Façonnement de l'histoire

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées est trop récente pour voir les impacts qu’elle aura à long terme sur l’histoire. Toutefois, puisqu'elle s’inscrit dans le mouvement social du post-colonialisme, elle permet de mettre en lumière les luttes qu’elle porte et en quoi elles sont autant d’actualités, autant aujourd’hui qu’il y a 100 ans. Les retombées vont au-delà de la mention de l’Enquête dans les médias, mais elle crée non seulement des ponts entre les communautés autochtones, mais entre ces derniers et les Québécois, car l’heure est aux changements. Ceux-ci ne peuvent se faire sans creuser l'histoire et la réalité des communautés autochtones. Ainsi, l'Enquête a déjà des impacts importants dans l'histoire du Canada, car elle contribue à une plus grande reconnaissance de la contribution des femmes autochtones à la société et elle constitue un rappel important du respect des droits des femmes, filles et personnes LGBTAB (Rapport provisoire, 2017). »

 

Par ailleurs, elle provoque des discussions autour des causes historiques, politiques, sociales, économiques et institutionnelles aux multiples formes de violences exercées à l'égard des femmes et des filles autochtones. De ce fait, les Canadiens peuvent également comprendre et apprécier le système juridique autochtone, ainsi que les valeurs qui orientent le processus d'enquête. Or, puisqu'elle s'inscrit à l'intérieur du mouvement post-colonial, l'Enquête rappelle que les Canadiens doivent rejeter  « les cadres coloniaux de l’oppression et respecter le droit des peuples et des Nations autochtones à l’autodétermination. » Enfin, il y a déjà un changement dans la relation entre les peuples autochtones et l’État, sans oublier les Canadiens, car le droit à la sécurité pour les femmes et les filles autochtones est maintenant une préoccupation qui ne risque pas de sitôt, heureusement, de retomber dans l'ombre (Rapport provisoire, 2017).

 

Témoignages pendant l'enquête

 

- « Tout ce que je demande, c’est de pouvoir visiter ma mère, entendre sa voix, me faire rassurer dans ses bras, sentir l’amour d’un parent. Voilà mes pensées en tant qu’enfant d’une femme autochtone assassinée. L’Enquête nationale ne peut pas ramener ma mère, ni aucune autre femme assassinée, mais je vous en prie, donnez-nous des réponses et permettez-nous de tourner la page sur ces événements dévastateurs qui ont eu lieu dans notre vie. Il est temps de remettre nos femmes et nos filles sur leur piédestal, de les protéger, de les aimer et de leur dire qu’elles sont tout pour nous. » Shaun Ladue, fils de Jane Dick-Ladue, assassinée en 1970. (pris dans l’Enquête nationale p. 14).

 

«J’ai été kidnappée et violée à répétition», a révélé Noeline Villebrun. «Le plus dur à accepter, c’est que les gens dans la pièce à côté ne sont pas intervenus. Ce n’était pas la première fois, j’avais été violée par un membre de ma famille quand j’étais enfant. Il y avait des travailleurs sociaux qui violaient les filles, l’institution fermait les yeux. Ma vie comme pupille de l’État, c’était juste un contrat. […] Plusieurs fois je me suis demandé si nos vies avaient une valeur.» (Lord, 2018).

 

- J'ai besoin que nos femmes soient en sécurité. J'ai besoin qu'on soit crues à quelque part: qu'il y a une défaillance dans le système, qu'on est mises de côté, qu'on ne vaut pas la peine face à la société", a-t-elle déclaré. "Ça me dépasse qu'on ne nous prenne pas comme des êtres humains, ça me dépasse", a-t-elle martelé avec des larmes qui lui coulaient sur les joues (Fragasso-Marquis, 2017).