L'austérité; par Camille Dion, Elizabeth Brochu, Laura Delaunay et Marie-Andrée Cheney


Contexte historique

L'État Providence

 

En 1959, Jean Lesage est à la tête du parti libéral et il met sur pied un État nommé « Providence ». Dans celui-ci, la fonction publique devient plus importante et l’État s’implique davantage.

 

En effet, l’État Providence correspond à l’ensemble des interventions de l’État dans le domaine social qui visent à garantir un niveau minimum de bien-être à l’ensemble de la population.

 

À cette époque, le Québec a pour objectif de prendre en charge la sécurité sociale. Pour ce faire, il met, entre autres, en place :

 

  • la loi de l’assurance-hospitalisation en 1961;
  • la régie des rentes du Québec en 1965;
  • l’assurance-maladie en 1965;
  • le revenu minimum garanti pour les personnes âgées en 1968;
  • la loi générale d’assistance sociale en 1969.

 

Petite piste de réflexion :

 

Ces mesures ont été mises en place afin de favoriser le bien public et la justice sociale. Avec l’État Providence, de nombreux services sont maintenant accessibles à tous, tels que les soins de santé et l’éducation. Nous avons créé un véritable filet social pour venir en aide aux citoyens et assurer un niveau de vie acceptable à tous. Or, avec le contexte politique actuel, il est possible de se questionner sur l’importance que ce que nous avons mis en place durant les années soixante. Allons-nous laisser le gouvernement Couillard détériorer notre filet avec la mise en place des mesures d’austérité?

 

 

Qu'est-ce que l'austérité?

C'est une politique économique visant à réduire l'ensemble des revenus disponibles pour la consommation, par le recours à l'impôt, au blocage des salaires, à l'emprunt forcé, aux restrictions de crédit et au contrôle des investissements. Le but recherché par celle-ci est le retour à l'équilibre.

 

Les mesures:

Le budget du gouvernement Couillard du 4 juin 2014 annonçait plusieurs compressions. Voici les secteurs touchés et quelques exemples:


  • Dans la condition féminine: Coupures au Conseil du statut de la femme;
  • Dans les transferts aux municipalités (coupures représentant 300 millions);
  • En environnement (coupures représentant 37 millions): coupures au ministère de l'Environnement et diminution des postes d'agents de protection de la flore et de la faune;
  • Dans les structures et les programmes: disparition de certains centres locaux de développement, réforme au programme d'aide sociale et modification au programme PAAS-Action;
  • Dans la fonction publique: coupures dans les régimes de retraites des employé-e-s municipaux et gel salarial;
  • En petite enfance (coupures représentant 200 millions): modulation des tarifs de garde en fonction des revenus et report des nouvelles places en CPE annoncées en 2013-2014;
  • Dans les commissions scolaires (coupures représentant 150 millions): fusions et perte de postes;
  • Dans les Cégeps/Université (coupure représentant 240 millions): diminution du financement;
  • Au ministère de l'Emploi et de la Solidarité;
  •  En santé: Réforme du système avec la disparition des agences et des centres de santé et de services sociaux (loi10) et le projet de loi 20.

Voici un court vidéo expliquant clairement l'austérité, son contexte et ses enjeux.


Le mouvement Halte à l'austérité

Forces en présences

 

Depuis 1990, les gouvernements qui se succèdent appliquent des mesures néolibérales. Entre autres, ils multiplient les coupures dans les services publics, dans les programmes sociaux et dans les partenariats publics et privés. Il favorise donc la déréglementation et la dévalorisation de l’État. Celui-ci œuvre activement au renforcement du capitalisme en favorisant le profit. Il doit intervenir en se structurant à la logique marchande. L’État joue un rôle de facilitateur pour les entreprises privées par des subventions, d’abris fiscaux et du soutien financier. Il soumet également l’organisation interne de ses services à la logique de la concurrence en misant sur le principe de l’utilisateur-payeur. En résumé, l’État demeure interventionniste, mais seulement pour favoriser l’économie. Or cette idéologie ne prend pas en considération les effets sociaux du néolibéralisme. C’est pourquoi certains, comme la Coalition pour la justice sociale, veulent changer l’idéologie prônée par le gouvernement pour rétablir la justice sociale.

 

La coalition pour la justice sociale de Québec et Chaudière-Appalaches

Ses acteurs et ses visées

La Coalition est formée de citoyens et de citoyennes regroupés en 60 syndicats, organisations communautaires, associations étudiantes, groupes de femmes et groupes populaires de défense de droits. Les porte-paroles se nomment Marie-Ève Duchesne, Anne-Valérie Lemieux Breton et Ann Gingras, qui sont également supportées par plusieurs autres co-porte-paroles.


Cette coalition vise principalement à empêcher les compressions dans les services de santé et de services sociaux ainsi qu'en éducation pour ne pas laisser se démanteler les services publics et les programmes sociaux. De plus,elle s'oppose aux privatisations et aux tarifications dans les domaines de la santé, des services sociaux et de l'éducation. Elle se base sur des valeurs telles que la justice, d'égalité et de respect ainsi que l'intérêt des personnes en situation de pauvreté et de la classe moyenne. En ce basant sur ses valeurs, la coalition souhaite la répartition équitable de la richesse pour lutter contre la pauvreté, le respect de l'environnement une société inclusive pour tous. Pour y arriver, elle opte pour un financement adéquat des services publics et des programmes sociaux dans l'optique d'une lutte contre la marchandisation du bien commun. 


Le cercle vicieux de l'austérité

 

La Coalition soutient  que l'austérité ne fait qu'augmenter la pauvreté. En voici l'illustration:

Pour résorber le déficit, le gouvernement instaure des mesures d'austérité. Ces mesures ont donc comme impact de diminuer le pouvoir d'achat et d'augmenter la pauvreté. Par conséquent, de plus en plus de personnes deviennent dépendantes des programmes sociaux. Si les gens ont moins d'argent, cela provoque un ralentissement de l'économie et par le fait même des pertes d'emploi. Moins de gens au travail équivaut à moins de gens qui paient d'impôt, ce qui fait diminuer les revenus de l'État. Le déficit et la dette se voient donc augmenter. Retour à la case départ...

 

Déroulement des événements et des moyens utilisés

 

Dans le but de se faire entendre par le gouvernement, la coalition a organisé plusieurs manifestations dans Chaudière-Appalaches, Québec et Montréal. En réaction au budget déposé le 4 juin 2014 par le ministre Leitao, six événements ont été organisés :

  • 04 juin 20114 : manifestation devant l’Assemblée nationale;
  • 29 septembre 2014 : une dizaine de manifestants devant l’Hôtel l’Oiselière à Lévis, avec la présence d'Amir Khadir;
  • 28 octobre 2014 : manifestation à Québec;
  • 3 décembre 2014 : la semaine s’afficher contre l’austérité;
  • 22 au 27 février 2015 : la semaine d’actions dérangeantes;
  • 16 mars 2015 : rassemblement au parc de l’Amérique-Française;

Pour l’annonce du nouveau budget du gouvernement Couillard en mars 2015, une manifestation « Non à un budget d’austérité! » a été organisée le 26 mars. Par ailleurs, le 2 avril 2015, il s’est tenu une manifestation à Montréal organisée par l’ASSÉ pour lutter contre les mêmes mesures. Il y avait la présence de 15 000 personnes. Mais ce n’est pas tout! Les manifestations se poursuivent le 1er mai pour la journée internationale des travailleurs et des travailleuses. Un rassemblement est prévu à 18 h à la Place de l’Université du Québec. Malgré ces manifestations, le gouvernement n’a pas encore modifié son budget ou modifié son discours.

Alternatives proposées
La coalition propose plusieurs alternatives pour contourner les mesures d'austérité
actuelles en allant chercher de l'argent ailleurs. Elle propose donc le document «10 milliards
de solutions» qui regroupe15 solutions permettant d'économiser 10 milliards de dollars:
  1. Établir 11 paliers d'imposition pour les particuliers= 1 milliard de dollars;
  2. Abolir les crédits d'impôt sur les gains en capital des individus= 739 millions de dollars;
  3. Diminuer le plafond de cotisation des REER= 300 millions de dollars;
  4. Réduire les crédits d'impôt pour les dividendes= 180 millions de dollars;
  5. Moduler les taxes à la consommation en fonction de la nature des biens achetés=745 millions de dollars;
  6. Augmenter le taux provincial d'imposition des entreprises à 15%=1,22 milliard de dollars;
  7. Augmenter la contribution fiscale des entreprises financières notamment en rétablissant la taxe sur le capital pour les entreprises financières= 600 millions de dollars;
  8. Revoir les dépenses fiscales des entreprises
    1. Abolir les crédits d'impôt sur les gains en capital des entreprises=361 millions de dollars;
    2. Éliminer les mesures permettant de reporter le paiement des impôts dus=558 millions de dollars;
    3. Revoir les politiques de congés fiscaux= 238 millions de dollars;
  9. Réduire les subventions des entreprises=500 millions de dollars;
  10. Augmenter les redevances des entreprises sur l'exploitation des ressources naturelles=410 millions de dollars;
  11. Lutter contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal=740 millions de dollars;
  12. Lutter contre la corruption et la mauvaise gestion de contrats gouvernementaux=600 millions de dollars;
  13. Cesser de recourir aux agences de placements dans les institutions publiques de santé=71 millions de dollars;
  14.  Adopter des mesures de contrôle du coûts des médicaments, donc l'instauration d'un régime entièrement public d'assurance médicaments= 1 milliard de dollars;
  15. Utiliser le logiciel libre dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental=266 millions de dollars.

Quand est-il des régions ?

 L’austérité, avec sa centralisation des pouvoirs et des ressources, frappe particulièrement fort dans les régions. Avec l’abolition des instances de développement local et régional (les CRÉ et les CLD), elles ont de moins en moins de moyens pour prendre en charge leur développement. Entre autres, l’aide accordée aux petites entreprises pour démarrer se fait de plus en plus rare. En fait, le nouveau budget annonce des coupures de 50 % dans le développement régional. Par exemple, pour ce qui est de la Gaspésie, le nouveau pacte fiscal avec les municipalités représente 3,6 millions de dollars en moins pour les municipalités de la Gaspésie. Le maire de Gaspé dénonce les compressions budgétaires qui depuis deux ans représentent 10 % du budget de sa ville. C’est pour ces raisons que la Coalition Touche pas à mes régions regroupant des citoyens et des élus représentant des municipalités, des régions et des organismes se sont alliés à la Coalition pour une justice sociale et son mouvement Halte à l’austérité.

 

Il n’y a pas que le développement économique des régions qui est touché par les mesures du gouvernement libéral. Il y a, entre autres, raison de s’inquiéter pour l’éducation. En effet, avec la fusion de commissions scolaires, certaines écoles n’ayant pas assez d’élèves vont fermer leurs portes. Or, une fermeture d’école primaire est souvent dommageable pour un village. En effet, le transport devenant plus compliqué, les jeunes familles quittent leur région. Malheureusement, cela aggrave la situation de dévitalisation de celles-ci.  

Les impacts de l'austérité

 

L’austérité touche toute la société, plus particulièrement les plus démunis. Ses impacts vont grandement influencer nos conditions de vie. Nous voyons de plus en plus de citoyens se mobiliser pour lutter contre ses mesures. Les valeurs portées par la grève étudiante de 2012 sont toujours actuelles à l’heure d’une volonté de grève sociale. Même si beaucoup moins de citoyens prennent part aux manifestations contre l’austérité, il reste qu’une volonté d’une plus grande justice sociale se fait ressentir. Il est certain qu’en travail social, nous sommes touchés par ce mouvement. Les mesures d’austérité ont des impacts sur nos conditions de travail et sur les conditions des personnes, des groupes ou des communautés que nous aidons.

 

Par exemple, plusieurs nouveaux règlements ont été déposés par le ministre François Blais, le 28 janvier dernier, concernant les personnes assistées sociales. À partir du 1er juillet, la ou le 2e colocataire sera considéré-e comme un chambreur ou une chambreuse. La part de son loyer sera donc déduite de la prestation d’aide sociale de la personne responsable du bail. Une personne à l’aide sociale pourra posséder une maison d’une valeur nette maximale de 142 100 $. Une personne sans domicile fixe qui suit une cure dans un centre de désintoxication recevra 200 $ en aide sociale et rien d’autre. Enfin, une personne assistée sociale n’aura pas le droit de quitter de la province plus de 15 jours en un mois. Il est certain que des groupes en défense collective des droits, comme l’ADDS-QM, dénoncent ces mesures en rédigeant des mémoires. Or, déjà aux prises avec des problèmes de sous-financement, leurs protocoles ne seraient que renouvelés que pour 18 mois plutôt que 3 ou 4 ans sans indexation de leurs subventions. Cela fait près de 7 ans que les subventions des groupes en défense de droits n’auront pas été augmentées ou indexées.  Le gouvernement profite-t-il des mesures d’austérité pour faire taire ceux qui ont pour mission la critique sociale et la défense des droits? 



Réflexion sur le bien public 

 

Selon nous, le débat entourant la question de l’austérité représente bien les mouvements pour le bien public, car le gouvernement joue sur des acquis que nous avons obtenus en tant que société. L’éducation, la santé, les services sociaux, etc. sont, pour nous, des biens publics, car ils ne peuvent être individualisés et ils sont nécessaires au bon fonctionnement de la société. Nous ne pouvons pas priver des citoyens de notre filet social.   


Réflexion en lien avec le bien public faite avec des étudiants en travail social:

 

Concepts spontanément ressortis:

  • Collectivité;
  • Solidarité;
  • Entraide;
  • Idéal;
  • Besoins;
  • Dignité;
  • Citoyenneté;
  • Ressources naturelles;
  • Démocratie.

Le bien public va à l’encontre du privé, qui favorise le profit. De ce fait, penser à son bien-être individuel correspond à une vision à court terme de la société alors que le bien public vise le bien-être collectif à long terme. Selon ce que les étudiants-es ont ressorti, le gouvernement serait en train de mettre en profit le secteur privé au détriment du bien-être collectif. Cela aurait un effet sur tous les concepts précédemment identifiés. Or, la justification de ces actions est le déficit 0, mais à quel prix?


Bibliographie

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