Dans le cadre du cours  Forces et mouvements sociaux au Québec, nous avons eu la chance d'étudier un des nombreux mouvements qui a marqué notre histoire. Les mouvements religieux font partie de notre héritage et ont façonné notre identité québécoise durant des décennies. Pour notre étude, nous nous sommes principalement concentrées sur le phénomène de laïcisation. La perte d'influence de l'Église au profit de l'État, débutée au tournant des années 1960, a fait place à de nombreux changements. Parmi ceux-ci, la CRÉATION DES CÉGEPS a eu un impact majeur, principalement dans la vie de plusieurs générations d'étudiants. Dans cette courte étude de cas, nous présenterons le contexte historique dans lequel prit place la création des cégeps, l'histoire de la création des cégeps, leur financement problématique en région ainsi que les conséquences et les solutions possibles.   

 Par Andrée-Ann Julie Dugal, Andréann Jacques & Joanie Turmel

Hiver 2017

La Grande Noirceur

http://www.lapresse.ca/actualites/national/200909/04/01-898940-que-reste-t-il-de-duplessis.php 

De 1945 à 1959, le Québec était sous le règne de Maurice Duplessis. Les années durant lesquelles ce dernier était au pouvoir ont été fortement influencées par la religion catholique. En effet, le pouvoir était principalement réparti entre l’État et l’Église. Il y avait, entre ces deux instances, une collaboration très étroite, voire une certaine dépendance. Les valeurs de la société québécoise de l’époque étaient très conservatrices. Duplessis était un homme conservateur étroitement lié à l’Église catholique. Ensemble, ceux-ci prônaient la place des femmes à la maison, la conception de plusieurs enfants par famille, le rôle de pourvoyeur chez l’homme, la docilité des enfants, la fréquentation assidue de l'église, etc. La scolarité était entièrement dirigée par l'Église catholique et les programmes scolaires étaient presque totalement constitués d'enseignements religieux. L’après-guerre et l’arrivée au pouvoir de Maurice Duplessis ont favorisé la mise en place de conditions familiales plus positives, ce qui a provoqué une augmentation du taux de naissance. Ce phénomène fut appelé le «baby-boom» et il eut lieu au Québec de 1945 à 1960. Dans les années 60, cette province se retrouve donc avec une quantité phénoménale d’enfants sur les bancs d’école. Les établissements, n’étant pas préparés à recevoir autant d’individus, ne possèdent ni les installations ni le personnel nécessaires pour les accueillir. Cette réalité forcera donc le gouvernement du Québec à s’intéresser à l’éducation et au fonctionnement du système scolaire (Caron, Beauregard, Chavannes et Vekeman-Julien, 2012).

http://archives.radio-canada.ca/sports/partis_chefs_politiques/clips/10691/

http://www.ledevoir.com/politique/quebec/297019/pour-eclairer-la-grande-noirceur

http://collections.musee-mccord.qc.ca/fr/collection/artefacts/MP-0000.1041.13

La Révolution Tranquille

       La Révolution Tranquille, qui eut lieu de 1960 à 1980, fut une période de changements très importants au Québec. Cette époque fut notamment marquée par une modification drastique des valeurs. Le Québec a longtemps été guidé par la religion catholique et ses valeurs conservatrices. Durant la Révolution Tranquille, l'influence du milieu religieux catholique a perdu beaucoup d'importance pour laisser place à l’influence de l'État et à ses nouvelles valeurs. Ces dernières se définissaient par la solidarité, la tolérance, les libertés individuelles, la démocratisation, la sécularisation de la société, etc. Cette période est marquée par des changements qui ont modelé la société québécoise. La sécularisation, qui consiste à être le passage du pouvoir de l’Église à l’État, permettra au gouvernement en pouvoir de s’en approprier le processus et d’avoir un certain contrôle sur les décisions qui concernent l’éducation. En effet, l'État qui a un pouvoir beaucoup plus grand, constate les besoins majeurs au niveau de l'éducation et prend la décision d'examiner la situation de l'ensemble du système d'éducation. C'est pourquoi, en 1961, la Commission royale d’enquête sur l’enseignement (Rapport Parent) fut mise en place. Les recommandations émises suite à cette étude entraîneront un vent de changement dans tous les niveaux d’enseignement au Québec.  La création d'un ministère de l'éducation en 1964 découle notamment de cette analyse (Caron, Beauregard, Chavannes et Vekeman-Julien, 2012).

http://www.alloprof.qc.ca/BV/pages/h1190.aspx  

http://larevolutiontranquille.ca/fr/les-cegep.php

http://www.newswire.ca/fr/news-releases/nouvelle-campagne-publicitaire-du-reseau-collegial-public-515620271.html

La création des CÉGEPS

 Dans les années 1960, peu de Canadiens-français accèdent aux études supérieures. Ces derniers, de religion majoritairement catholique, quittent tôt les écoles. En raison de leur niveau d’éducation inférieur, ils en viennent qu’à occuper des emplois nécessitant peu d’études, comme ouvriers ou agriculteurs. À l’inverse, on remarque que la presque totalité des postes de directions et les meilleurs salaires sont réservés aux gens scolarisés qui sont, pour la majorité, des Canadiens-anglais et, par le fait même, majoritairement protestants.

 

 On note également, dans les mêmes instants de l’histoire, un grand mouvement de dévitalisation des régions. En effet, les jeunes quittent celles-ci pour aller étudier dans les grands centres, car les établissements d’études supérieures s’y trouvent. À la fin de leur formation, ces derniers retournent rarement dans leur ville natale, ce qui entraîne un manque de personnel qualifié. C’est pourquoi l’arrivée des cégeps en 1967 permet de se pencher sur la problématique. En effet, on permet aux jeunes de rester sur leur territoire, d’accéder aux études supérieures, de développer un réseau social et de s’y installer en tant que professionnels (Bouchard, 2013).

 

 Au départ, on observe dans les écrits la trace de sept premiers cégeps. L’un des premiers fut celui de Ryoun-Noranda en septembre 1967. Pour y arriver, différentes phases ont été traversées et plusieurs acteurs furent impliqués. La création des cégeps fut réalisée en trois étapes. La première fut engendrée à la suite de la publication du rapport Parent qui propose des changements dans le système d’éducation québécois. Tout d’abord, la commission d’enquête suggère la mise en place d’instituts dans les régions de manière à favoriser l’accès à l’éducation pour tous. Durant cette première étape, l’État approuve également les deux volets prévus dans le rapport, soit un programme de formation générale et un programme de formation professionnelle (Dassylva, 2008).      

 

 En 1965, on met sur pied un comité de planification de l’enseignement préuniversitaire et professionnel (COPEPP). Celui-ci aura pour mandat, en se basant sur le rapport Parent, de faire état des problématiques au sujet de l’enseignement supérieur. Le ministre de l’Éducation, Paul Gérin-Lajoie, met en place un comité qui tiendra 23 rencontres dans le but de mettre en place un projet pilote. Celui-ci travaille également sur des aspects administratifs, juridiques et sur les modalités de mise en place des institutions collégiales. C’est également ce comité qui nommera ces nouvelles institutions collège d’enseignement général et professionnel (Dassylva, 2008).   

 

 En 1966, le gouvernement au pouvoir perd les élections et l’Union nationale dirigée par Daniel Johnson est élue. Malgré les changements au sein du ministère de l’éducation, le nouveau ministre de l’Éducation Jean-Jacques Bertrand et le conseil des ministres prennent la décision de poursuivre le projet de création des cégeps. Durant son mandant, il mettra en place une direction générale de l’enseignement préuniversitaire et professionnel. Les sept premiers cégeps ouvriront leurs portes en septembre 1967, suivi d’une vingtaine dans les mois et les années qui ont suivi (Dassylva, 2008).  

 

Pour en connaître davantage sur ces derniers, il est possible de consulter le site http://cegepat.qc.ca/quaranteans/Histoire/c%C3%A9gep-cr%C3%A9ation.htm ainsi que le http://lescegeps.com/fichiers/pdf/20080619_les_cegeps_naissance_des_cegeps.pdf. Ces derniers décrivent en détails les étapes de la création des cégeps. Ils permettent d’ailleurs de comprendre concrètement l’histoire de leur mise sur pied.

Le financement des CÉGEPS

En date du 5 mars 2017, le financement des cégeps compte prioritairement sur l'appui financier du Gouvernement du Québec. Les subventions de ces derniers sont attribuées par l'entremise du programme FABES, qui prend en considération cinq volets: «les allocations fixes, liées aux activités pédagogiques, liées au bâtiment, liées aux enseignants ainsi que les allocations spécifiques» (Montambeault,2017). Le montant accordé est basé à 75% sur le nombre d'étudiants fréquentant l'établissement en question (Bérubé,2016). La taille des cégeps n'est pas prise en considération dans ce processus de distribution. D'après le Mémoire de la Fédération des cégeps réalisé en 2016 et présenté au Ministère des Finances du Québec, ces établissements font face à de nombreuses compressions budgétaires (Fédération des cégeps, 2016a). En 2016, lors du dévoilement du Plan économique du Québec, le gouvernement provincial a nommé qu'il octroyait un montant supplémentaire de 1,2 milliard de dollars pour les services directs aux étudiants ainsi que pour l'amélioration des établissements. Le programme de mobilité interrégionale découle d'ailleurs de cet investissement. Ce dernier «vise à diversifier le parcours des étudiants et offre aux collèges en région l’opportunité d’attirer des étudiants venus des grands centres»  (Gouvernement du Québec, 2016).

Le financement problématique des CÉGEPS en région

Puisque le financement des cégeps se fait prioritairement en fonction du nombre d'étudiants, les petits établissements, principalement situés dans les régions, en sont désavantagés. De plus, la baisse démographique que subit ces milieux accentue leur difficulté l'augmentation de leur nombre d'élèves (Montambeault,2017). Le 19 août 2016, un montant de 1,5 million de dollars a été investi pour la création du programme de mobilité interrégionale. De cette façon, le nombre d'étudiants fréquentant les cégeps des régions risque d’augmenter et, par le fait même, les subventions du FABES également.  

https://www.youtube.com/watch?v=HjApFXl_ZcA

https://www.youtube.com/watch?v=QyZ0nvd6pq4&t=3s

https://www.youtube.com/watch?v=ei4o0iQOYZo&t=15s 

Visions des différents acteurs

 Les cégeps de la province de Québec représentent plus de 175 000 étudiants (Fédération des cégeps, 2016b). Parmi ceux-ci, un grand nombre vivent en régions et sont touchés par la situation du financement problématique de leur établissement. Le trois quarts des étudiants dont le cégep est touché affirme qu’il préfèrerait changer de programme scolaire, plutôt que de déménager dans une grande ville (Montambeault,2017). Il faut, bien entendu, comprendre leur point de vue, car plusieurs raisons semblent expliquer pourquoi les jeunes sont attachés à leur région natale. Nottament, le fait que les collégiens sont âgés, pour la plupart, entre seize et dix-neuf ans et que certains  habitent chez leurs parents pendant leurs études. De plus, la majorité d’entre eux occupe un emploi étudiant au salaire minimum. Leur famille, leurs amis, leur patrimoine se trouvent dans leur région (Fédération des cégeps, 2016a). Ils ne souhaitent pas tous quitter leur région pour se retrouver seuls en ville. Le financement des cégeps en région est une problématique en soi qui contribue à l’émergence de nouvelles problématiques chez les étudiants telles que l’abandon de leurs études post-secondaires, des échecs scolaires et le départ vers les grands centres. Il a été démontré que le fait de poursuivre ses études près du domicile familial contribue à la réussite scolaire (Fédération des cégeps, 2016a).  

 

La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) veut que le gouvernement du Québec revoie les programmes de financement des cégeps. En effet, comme nous l’avons expliqué, les montants versés sont principalement basés sur le nombre d’étudiants qui fréquentent l’établissement. Cette méthode est désuète selon la FECQ et elle estime qu’avec la baisse de population étudiante en région, ces cégeps sont largement désavantagés. Elle est particulièrement préoccupée par le risque imminent de fermeture de certains établissements si les choses ne changent pas rapidement. Pour arriver à survivre, les institutions collégiales coupent dans les services offerts aux étudiants et consacrent une partie importante de leur budget aux salaires des enseignants et à l’entretien des bâtiments (Bérubé, 2016).

 

La fédération des cégeps a présenté un mémoire en février 2016 : Les cégeps au cœur du développement économique du Québec. Dans celui-ci, elle estime que les cégeps en région occupent une place importante, non seulement dans l’avenir des jeunes adultes en régions, mais aussi dans l’avenir du Québec. On y nomme, notamment le fait que certains des établissements éloignés des centres urbains offrent des formations techniques liées directement à l’économie locale. Selon la fédération, le Québec entre dans une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et les cégeps en région offrent le maintien de la formation adéquate (Fédération des cégeps, 2016a).

 

Le gouvernement en place actuellement affirme que l’éducation est l’une de ses priorités. Dans la dernière année, celui-ci a notamment investi 1,5 million de dollars dans un programme qui vise à assurer la vitalité des cégeps en région (Gouvernement du Québec, 2016). Le gouvernement affirme aussi étudier la situation par différents rapports. Toutefois, la Coalition Avenir Québec, le parti en opposition,  semble avoir une vision différente de la question et affirme que le temps presse. Il estime que les conditions des cégeps en régions sont catastrophiques et il doit y avoir des actions posées rapidement dans le but des les améliorer (Roberge, 2017).

Impacts

  • Risque de fermeture de certains cégeps
  • Coupures dans les services offerts aux étudiants
  • Abandon des études (Décrochage scolaire)
  • Étudiants forcés de quitter leur région
  • Dévitalisation des régions
  • Moins bons résultats scolaires

Solutions

 

Parmi les solutions proposées, la plus importante, selon plusieurs acteurs, serait de revoir la méthode de financement des cégeps (Montambeault,2017). Un montant octroyé en fonction du nombre d’étudiants qui fréquente un établissement serait un moyen désuet qui ne fonctionne plus, de toute évidence, depuis la baisse démographique dans les régions du Québec (Bérubé, 2016). En effet, le taux de fréquentation scolaire dans les régions serait moins élevé que dans les grands centres urbains, ce qui constitue un désavantage considérable. Selon plusieurs des acteurs concernés, il faut modifier le programme de financement (FABES) et venir en aide aux cégeps en région le plus rapidement possible. Un autre des moyens proposés consiste à bonifier les programmes de recrutement international. Cette solution soulève toutefois un bémol. Le recrutement local ne doit pas se retrouver négligé au profit du recrutement international (Bérubé, 2016). L’une des solutions possibles serait donc de bonifier tous les programmes de recrutement dans le but de revitaliser les régions et par le fait même les cégeps.

 

L'écologiste, militant environnementaliste et auteur québécois Roméo Bouchard propose, quant à lui, une solution similaire à ce qui a déjà été soumis. En effet, il stipule notamment que «Les cégeps, qui jouent un rôle déterminant dans l’organisation sociale, économique et culturelle des régions, doivent être consolidés, leurs programmes doivent être maintenus, même avec des effectifs réduits, et les programmes techniques et spécialisés adaptés aux créneaux spécifiques de leur milieu doivent être favorisés » (Bouchard, 2013, p.159).


Références

Bérubé, J. (2016).  Financement des cégeps : les étudiants ajoutent leur grain de sel.  Repéré à  http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/814373/gaspesie-fecq-federation-etudiante

Bouchard, R. (2013).  Y a-t-il un avenir pour nos régions ?  Montréal, Québec :  Écosociété.

Caron, M., Beauregard, J.-P., Chavannes, A., Vekeman-Julien, I. (2012).  Défis  sociaux  et          transformation         des sociétés.  Montréal, Québec : Chenelière        éducation.

Dassylva, M. (2008).  La naissance des cégeps: un exercice rationnel, cohérent et urgent.  Repéré à  http://lescegeps.com/fichiers/pdf/20080619_les_cegeps_naissance_des_cegeps.pdf

 Fédération des cégeps. (2016a).  LES CÉGEPS : AU CŒUR DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU QUÉBEC .  Repéré à  http://www.fedecegeps.qc.ca/wp-content/uploads/2016/02/M%C3%A9moire___consultations_pr%C3%A9budg%C3%A9taires_2016-2017_F%C3%A9d%C3%A9ration-des-c%C3%A9geps.pdf

 Fédération des cégeps. (2016b, 18 février).  Les cégeps du Québec  [Vidéo en ligne]. Repéré à  https://www.youtube.com/watch?v=LqKNvbJCF_A&t=13s

 Gouvernement du Québec. (2016).  Le Gouvernement du Québec investit 1,5 M$ pour assurer la vitalité des cégeps dans toutes les régions du Québec.  Repéré à  https://www.premier-ministre.gouv.qc.ca/actualites/communiques/details.asp?idCommunique=3019

 Montambeault, C. (2017, 5 mars).  Financement des cégeps : les régions désavantagées.  LaPresse.  Repéré à  http://www.lapresse.ca/la-tribune/actualites/201703/05/01-5075774-financement-des-cegeps-les-regions-desavantagees.php

Roberge, J.-F. (2017, 24 mars). Financement des cégeps en région: le temps presse! [Vidéo en ligne]. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=QyZ0nvd6pq4